Don’t come knocking

 

Un film de Wim Wenders

 

 

Avec Sam Shepard, Jessica Lange, Tim Roth, Gabriel Mann, Eva Marie Saint, Sarah Polley, George Kennedy…

 

Présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes, Don’t come knocking est reparti bredouille du palmarès officiel. Toutefois, ce nouveau film de Wim Wenders, dont on attend depuis plusieurs années une résurrection qui se fait attendre.

 

Son dernier film, Land of Plenty, passa quasiment inaperçu malgré sa peinture assez pertinente de la psychose américaine post-11 septembre.

 

Avec Don’t come knocking, Wenders plonge une nouvelle fois sur l’Amérique profonde, celle des territoires perdus de l’Utah, du Nevada ou du Montana, et réussit une œuvre intéressante quoique malheureusement décousue.

 

Don’t come knocking raconte l’histoire d’Howard Spence, ex-star du western devenu avec les années un acteur has-been, détruit par l’alcool, la drogue et les femmes, cocktail explosif dont il a abusé pendant des dizaines d’années. Un jour il s’échappe du plateau du film qu’il est en train de tourner et part à la recherche de lui-même, sur les traces de son passé, de ses racines, de ses erreurs…

 

Le scénario de Sam Shepard, par ailleurs acteur principal du film dans le rôle d’Howard Spence, est une belle introspection sur le monde futile et brutal du star-system, qu’il soit celui du cinéma, de la musique et du sport. Là où l’homme se perd souvent.

 

Howard Spence est de ces hommes qui ont perdu pied, à cause de l’argent, de la drogue, des femmes. Plus de repères, une honte permanente qui est noyée dans le vice, la distance avec la famille. Un jour pourtant il réalise que quelque chose ne va pas et part à la recherche de sa propre vie. Après une fuite à travers le désert, il retrouve sa mère (incarnée par Eva Marie Saint), qu’il n’a pas vu depuis 30 ans et qui l’accueille naturellement. Son fils perdu, elle tenait un album qui contient les coupures de presse sur son fils, d’abord glorieuses puis celles des faits divers, des arrestations, des histoires « d’amour », des scandales. Chronique d’une destruction annoncée.

 

Et c’est elle qui finalement le « sauve », en lui annonçant qu’il serait le père d’un enfant de 30 ans, d’une femme qu’il aurait rencontré sur un tournage dans une petite ville du Montana, Butte. Il décide alors d’aller sur la piste de cette femme et de cet enfant. Avec à sa poursuite un assureur méticuleux et bien décidé à le ramener sur le tournage du « Fantôme du Désert », titre à double sens qui évoque également le statut du comédien Spence, un fantôme, pâle copie de ce qu’il fut trente années en arrière.

 

Wenders filme un road-movie hypnotique sur les routes désertes, dans des paysages grandioses, suivant un homme en quête lui-même, s’égarant, se retrouvant, se découvrant aussi une vie manquée, celle qu’il aurait pu partager avec une famille. Constat amer et douloureux du temps gâché, d’une vie gâchée.

 

Constat également de la vie des gens qu’il connaissait, qui ont vécu eux aussi, grandi, souffert.

 

Le film vaut beaucoup pour son interprétation, celle magnifique de Sam Shepard dans le rôle d’Howard Spence, qui habite le personnage avec une grande force. Il nous touche malgré ce rôle de « salaud », de type égocentrique qui n’a pensé qu’à lui-même pendant toutes ces années et qui vient maintenant chambouler la vie des autres pour pouvoir trouver quelque rédemption.

 

A ses côtés, un casting solide : Jessica Lange, dans le rôle de Doreen, la mère de l’enfant d’Howard, une femme troublée par le retour de cet homme enfoui dans son passé, lui qui est parti sans jamais revenir, elle qui est restée dans cette petite ville isolée, à vivre simplement ; Tim Roth, excellent dans le rôle de l’employé d’assurance chargé de retrouver Howard, méticuleux, froid, presque déshumanisé, dans un monde aseptisé et distant ; Eva Marie Saint, éternelle interprète d’Eve Kendall dans North by Northwest (La Mort aux Trousses), qui ici tient le rôle de la mère d’Howard, vivant dans une petite ville du Nevada, alerte et aimante mère, comme si elle savait que le temps perdu ne se rattraperait pas et que la dispute ne servirait à rien.

Enfin, Gabriel Mann, Sarah Polley, George Kennedy (acteur notamment dans Le Canardeur, de Michael Cimino), tiennent des rôles plus secondaires mais non moins importants. Sarah Polley est comme toujours impeccable, douce et émouvante ; Gabriel Mann incarne le fils d’Howard, chanteur de bar avec son groupe (dans un style qui n’est pas sans rappeler Nick Cave d’ailleurs, présent dans Les ailes du désir, de Wim Wenders), troublé par l’arrivée de ce père qu’il n’a jamais connu, désorienté soudainement. Enfin George Kennedy tient un petit rôle, celui du réalisateur du film que déserte Howard.

 

Le film est très réussi dans sa première partie mais s’étiole quelque peu dans sa seconde moitié, ne semblant plus vraiment savoir dans quelle direction aller et traînant un peu en longueur.

 

Pourtant, il s’agit bien là d’un des films les plus réussis (si l’on excepte l’œuvre atypique Buena Vista Social Club) qu’a réalisé Wim Wenders depuis Les ailes du désir, en 1987. Une caméra en mouvement, proche de son comédien dont il filme le visage buriné par la vie, dont il saisit la détresse dans les yeux.

 

La photographie de Franz Lustig magnifie les paysages désertiques, enivrants, de l’ouest américain autant que les couleurs des casinos d’Elko, petits coins de bonheur et de décadence au milieu de nulle part.

 

La musique oscille entre folk, country et les sombres compositions du groupe du fils d’Howard, avec à noter la chanson-titre du film « Don’t come knocking », interprétée par Andrea (du groupe irlandais The Corrs) et de Bono (de U2 of course).

 

Don’t come knocking est un film à découvrir, car il marque peut-être (enfin) le retour de Wim Wenders, enterré par beaucoup depuis plusieurs années.

 

 

A vous de vous faire votre opinion !

 


Arnaud Meunier

15/10/2005